Du jamais-vu. Deux entrepreneurs lyonnais ont mis au point une canne blanche électronique dotée d'intelligence artificielle. Rango capte l'environnement de l'usager, trie les informations et les restitue en 3D sonore. Il protège les aveugles tout en augmentant leur autonomie.
Le son. C’est, d'emblée, ce qui unit depuis longtemps les deux co-fondateurs de GoSense, cette start-up lyonnaise spécialisée dans les solutions innovantes pour le quotidien des aveugles. En particulier celui de la musique… Ils se sont rencontrés dans une chorale, Hugues était trompettiste, et François guitariste.
Les deux amis présentent des profils complémentaires. Hugues de Chaumont, fondateur et président de la société Go Sense, a 35 ans. Son parcours a fait étape par l’école de commerce EM Lyon. Son associé, François Birot, même âge, est ingénieur en informatique, et a travaillé durant trois années dans le domaine de la réalité virtuelle, et sur des programmes de recherches européens. « Il maitrise bien les technologies dites immersives, comme les capteurs 3D de l’environnement, par exemple » précise son associé.
Le destin a voulu qu’ils soient sur la même longueur d’onde. « On avait une vraie envie d’entreprendre dans un projet qui fait sens » confirme Hugues. « Notre souhait était vraiment d’aider des gens dans une situation vulnérable. A l'aide d'un projet qui incluait forcément du son. »
Le son, et aussi le bon tempo. En 2007, la technologie liée à la réalité virtuelle s'accélère. « On a vu arriver les premiers capteurs 3D, et surtout les fameux casques utilisés sur des jeux video. Ce genre d’équipement dont le prix a subitement chuté de 140 000 à 600 dollars. Lorsque l’on passe un tel cap, on sait que le savoir-faire technologique est mature, moins cher, et plus robuste et que l’on peut désormais accéder à cette connaissance » se souvient le jeune entrepreneur lyonnais. Les deux associés saisissent cette opportunité et se positionnent rapidement sur l’avenir de ces capteurs 3D de l’environnement.
Une bonne nouvelle n’arrivant jamais seule, le marché s’ouvre, lui-aussi. Pour s’en assurer, une étude est réalisée autour de ces différents thèmes « On a écrit les termes de capteurs 3D de l’environnement, réalité augmentée sonore, sons 3D et social, et on a commencé à prospecter et imaginer » Parmi les idées qui surviennent, celle d’une canne blanche électronique.
Hugues décide alors de s’immerger dans ce domaine et devient bénévole dans différentes associations pour les aveugles, comme la Fédération des Aveugles de France, Apridev Rhône-Alpes, le comité régional de l’association Valentin Hauy. « Je passe quasiment une année dans cet écosystème, auprès d’eux. C’est un milieu communautaire où les gens ne vous accordent pas leur confiance immédiatement. Je ne suis pas issu de ce monde et j’ai besoin de comprendre leurs besoins au quotidien. » raconte-t-il.
Aucune histoire personnelle ne pousse alors le jeune homme vers ce secteur, sinon le désir d’avoir un impact positif sur la société. Simplement le vœu de répondre à une contrainte (comment se déplacer sans voir…) et de réussir sur un marché où il n’existe que très peu de solutions, pour une forte demande. « Je me suis donc mis « à leur place », et formé à la canne blanche. Chaque semaine depuis cette période, je fais trois heures de marches par semaine à l’aveugle. » explique-t-il.
Même s’ils s’intéressent aux aveugles, les deux fondateurs de GoSense voient loin. Ils comprennent rapidement que le marché « à fort usage » qu’ils abordent est suffisamment modeste pour ne pas intéresser les Gafa (les grands groupes comme Facebook ou Apple) et, tout de même, suffisamment grand pour pouvoir construire une entreprise.
Après un an d’observation, les voici donc lancés sur le « go marché ». Un monde de la réalité augmentée et virtuelle, où tout est… visuel. Et revoilà donc le son. Le trait d’union de leur association devient leur force. « On réalise que tout le monde a oublié la composante du son pour immerger une personne. C’est aussi, voire plus important que l’image. » Ce secteur devient donc leur cœur de métier : la santé, améliorée grâce à une réalité augmentée audio. « Pour l’anecdote, le pdg d’Apple Tim Cook expliquait il y a quelques années que, selon lui, il s’agissait de deux domaines d’avenir dans le monde. On est en plein dedans. » se réjouit Hugues de Chaumont.
le pdg d’Apple Tim Cook expliquait il y a quelques années que, selon lui, il s’agissait de deux domaines d’avenir dans le monde. On est en plein dedans Hugues de Chaumont Co-fondateur de GoSense
Depuis quelques mois, GoSense a finalisé son produit phare : la canne électronique Rango. « L’idée, c’est de répondre au premier besoin qu’est la sécurité, et de protéger le corps. » La start-up opte pour un produit simplifié à l’extrême pour l’utilisateur, mais qui recourt à l’intelligence artificielle. « On sait tous naturellement détecter un son dans l’espace très facilement. Notre idée va utiliser ce sens de l’ouïe, très développé chez les aveugles, pour le substituer au sens de la vue, qui fait défaut. » résume le créateur.
Rango est donc un petit boitier électronique, équipé de capteurs à ultra-sons très pointus. L’appareil, intelligent, est capable à la fois de comprendre le déplacement de l’usager mais aussi d’analyser son environnement. Les algorithmes embarqués dans le boitier vont alerter la personne uniquement de la présence des obstacles dits avérés. C’est là que ce se situe l’innovation de cette start-up lyonnaise.
Une vraie révolution ? L’idée de la canne blanche électronique existe pourtant depuis 25 ans. « En revanche, Rango est la seule qui soit suffisamment évoluée pour faire la différence entre les murs, ou les véhicules stationnés que vous longez, et un poteau ou une trottinette qui se présente sur votre trajectoire, par exemple. » explique Hugues.
Comment ça marche ? L’appareil envoie des ultrasons dans l’environnement. Lorsqu’il récupère des signaux, il les localise en 3 dimensions, et renvoie les informations à une application, installée sur le téléphone de l’usager. Cette application est alors capable de spatialiser ces signaux, puis de les retranscrire – en son- par les écouteurs de l’utilisateur. De fait, l’appareil limite les informations à traiter par la personne aveugle.
La personne qui utilise Rango reçoit concrêtement des bips sonores, grâce à des écouteurs placés au dessus des oreilles, sans lui boucher les tympans. « Si vous êtes musicien, c’est comparable aux sons doux et ronds d’un xylophone. Grâce à eux, vous savez exactement où est l’obstacle, à quelle distance de vous. Si cet obstacle est loin, vous recevez un son lent et grave. Plus vous approchez, plus ce son devient rapide et aigu. Et si l’obstacle est légèrement à droite, le son le sera aussi, etc… » précise Hugues. En clair, la 3D est… sonorisée. Et les informations… triées.
300 personnes âgées de 15 à 85 ans, et en situation de handicap, utilisent déjà cet appareil. Les écouteurs, qui seront bientôt proposés en Bluetooth, s’adaptent sur n’importe quel smartphone. Rango coûte 2000 euros, et il est remboursé à 75% par les Maisons départementales des personnes handicapées, et pratiquement intégralement pour les personnes qui ont un emploi, avec le soutien de l’Agefip. « La certification comme dispositif médical est en voie d’aboutissement. On compte sur une prise en charge de l’assurance-maladie d’ici fin 2023 ». La fabrication de l’appareil, de la conception au conditionnement, est assurée intégralement en Auvergne-Rhône-Alpes. « Et d’ici la fin de l’année 2022, Rango sera même assemblé par des aveugles » annoncent les deux entrepreneurs qui, indéniablement, étaient faits pour s'entendre.
Source : https://lesmanuelslibres.region-academique-idf.fr Télécharger le manuel : https://forge.apps.education.fr/drane-ile-de-france/les-manuels-libres/snt-seconde ou directement le fichier ZIP Sous réserve des droits de propriété intellectuelle de tiers, les contenus de ce site sont proposés dans le cadre du droit Français sous licence CC BY-NC-SA 4.0